Inde
Un clip à la Bollywood
pour les droits des gais
La Presse
La musique est entraînante, le refrain est redoutable d’efficacité, les saris sont éblouissants, la chanteuse est charismatique et, à la fin de l’histoire, l’amour triomphe dans une symphonie colorée. Pas de doute, c’est du Bollywood dans toute sa splendeur.
Sauf qu’en montrant deux hommes, main dans la main face à leur famille, il ne s’agit pas ici d’une autre histoire d’amour sirupeuse comme il s’en produit des tas chaque année dans les studios cinématographiques indiens. Cette fois-ci, c’est l’Organisation des Nations unies (ONU) qui s’est mise au style Bollywood pour réaliser un clip de sa campagne de promotion des droits des homosexuels en Inde.
Le clip a été lancé le 30 avril en Inde par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme dans le cadre de sa campagne « Libres et égaux », en faveur de l’égalité des droits des lesbiennes, gais, bisexuels et transgenres (LGBT).
La bataille pour la reconnaissance des droits des LGBT a connu des hauts et des bas en Inde depuis quelques mois. En décembre, la Cour suprême a refusé de dépénaliser l’homosexualité. Par contre, le mois dernier, cette même Cour suprême a reconnu l’existence d’un troisième genre, ni masculin ni féminin. « La reconnaissance des transgenres comme un troisième genre n’est pas une question sociale ou médicale, mais une question de droits de l’homme », a déclaré le tribunal.
La question des droits des LGBT est bien d’actualité en Inde. Mais le clip de l’ONU atteindra-t-il sa cible pour faire changer les mentalités ? Joint par courriel, Pallav Patankar, directeur de programmes de prévention du sida et militant pour les droits des homosexuels en Inde, note que « peu de personnes âgées sont branchées sur l’internet et, pour cette raison, ce lancement pourrait être limité à ceux qui ont accès à l’internet ou à un ordinateur ».
Jointe en Inde, où elle tourne un documentaire, la cinéaste montréalaise Caroline Tabah dit avoir entendu plusieurs fois la chanson dans les rues de Bombay après son lancement. Elle note que l’homosexualité est mieux acceptée dans les grandes villes, et de plus en plus présente au cinéma. « Mais les homosexuels sont encore dépeints de manière caricaturale », précise-t-elle. « À Bénarès, où je me trouve, je n’ai pas entendu la chanson. Mais c’est un endroit plus conservateur. Parfois, j’ai l’impression qu’on y vit comme il y a 200 ans… »
QUATRE INGRÉDIENTS
DE LA RECETTE BOLLYWOODIENNE
« C’est un très bon clip, il va chercher ce que les Indiens aiment. » Caroline Tabah, cinéaste montréalaise passionnée de cinéma indien, tourne ces jours-ci à Bénarès, dans le nord de l’Inde. Elle a accepté de décortiquer pour nous
les ingrédients du clip .
1. UNE CHANSON POPULAIRE
La chanson
des années 70, dit Caroline Tabah. Elle a été créée
pour une comédie romantique indienne et popularisée
par une chanteuse légendaire, Lata Mangeshka.
2. UNE CHANTEUSE
CHARISMATIQUE
Celina Jaitly, ancienne Miss Inde,
est une actrice connue du cinéma bollywoodien et fait ici ses débuts dans la chanson. Elle est aussi militante pour les droits des homosexuels.
3. DE LA DANSE. BEAUCOUP DE DANSE.
Ici, les réalisateurs ont eu droit à la participation
du chorégraphe Longi, celui qui a fait les chorégraphies
du film oscarisé .
4. DEUX AMOUREUX ET UNE GRAND-MÈRE
Un fils annonce à sa famille qu’il a quelqu’un à lui présenter. Une fête est organisée, sous le regard sévère de la matriarche de la famille. « La grand-mère est un personnage populaire
du cinéma indien », précise M Tabah. Mais voilà le fils qui arrive… accompagné de son amoureux. Stupeur dans la famille, qui se tourne avec angoisse vers la grand-mère aux yeux écarquillés. « Tu te demanderas peut-être pourquoi ce n’est plus comme avant », chante Celina Jaitly à l’oreille de la vieille dame. « Mais qui se soucie de savoir qui aime qui, quand tout ce qui compte est que deux personnes qui s’aiment veulent être ensemble ? » La grand-mère finit par afficher un large sourire, avant que toute la famille n’explose de joie.
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